jeudi 21 janvier 2010

Pourquoi valoriser le multitasking puisqu'il nous rend inefficace?

multitâche

« Le “multitasking” est un des grands sujets de l’organisation du travail aujourd’hui. Il s’agit de la capacité présumée (et érigée en nécessité) pour les collaborateurs de faire plusieurs choses à la fois. Le phénomène du social media et la multiplicité des flux d’information auxquels sont exposés les collaborateurs ne fait que rendre de plus en plus centrale cette préoccupation.»

Cette superbe introduction n’est malheureusement pas de moi, elle fut écrite par Bertrand Duperrin il y de cela…un an déjà. Pourtant, elle est, pour ma part, d’une brûlante actualité. Nous vivons à une époque où les réseaux sociaux, les logiciels, les «smartphones», etc. génèrent des flux d’informations qui nous interpellent constamment. Par exemple, en ce qui me concerne il est possible de me joindre par l’entremise d’au moins trois numéros de téléphone, un de fax, six adresses courriels, quatre réseaux sociaux et j’en passe. Ces canaux de communications créent des flux d’informations auxquels sont associées plusieurs alertes.

Parallèlement à ce phénomène, la productivité, le multitasking et l’efficacité sont de plus en plus valorisés. Ces possibilités de communiquer facilement et rapidement augmentent les attentes de notre réseau à obtenir des réponses rapides de notre part. Le temps s’écrase, rétréci. Tout s’accélère.

Le multitasking étant valorisé, notre premier réflexe est de tenter de tout gérer à la fois. «Si les autres y arrivent, j’y arriverai aussi!» se dit-on.

Lorsque vient le temps d’écrire un billet pour ce blogue, je m’assieds devant l’écran de l’ordinateur. Pendant que je fouille le Web à la recherche d’idées, je reçois des courriels, Tweetdeck ne cesse de m’interpeller pendant que mon BlackBerry vibre de temps à autre. Je semble très efficace, mais le suis-je vraiment? Bref, a-t-on raison de tant valoriser le multitasking?

Au moment où je suis à jongler avec ces questions, je tombe sur ce billet de Christian Roy Le texte résume les concepts importants de la méthode GTD (Getting Things Done). Je connaissais cette méthode, mais je ne m’étais jamais réellement arrêté à en comprendre les principes.

Voici un extrait du texte de M. Roy qui a particulièrement attitré mon attention :

 

« 1. La dualité entre la puissance de notre cerveau et son incapacité à faire deux choses à la fois. Allen nous dit que nous sommes beaucoup plus efficaces dans notre travail intellectuel en se donnant le moyen de se concentrer sur une activité à la fois. Il suggère qu’on est non seulement plus productif, mais également plus détendu (ce qui engendre un cercle vertueux, parce que plus productif lorsque plus détendu), en mettant toute notre énergie sur une action à la fois, sans être tracassé par «le reste», le choix de ce qu’on fera après, ou ce qui nous préoccupe parce qu’on sait que ça doit être fait, sans l’avoir géré. En utilisant les outils proposés, en mettant tout ce qui nous préoccupe par écrit, dans un système fiable auquel nous sommes convaincus de référer par la suite, on peut entrer dans un état d’esprit qui permet de travailler à notre potentiel maximum, en étant hyper-productif sans voir le temps passer »

Ainsi, selon cette analyse, non seulement le multitasking est à proscrire, mais en plus il générerait un stress supplémentaire, créant un cercle vicieux d’improductivité.

À la lumière de ce constat, j’ai pris la résolution de devenir monotasking. Au moment d’écrire ces lignes, mon logiciel de courriel est fermé, mon cellulaire est dans une autre pièce et mon tweetdeck est aussi fermé. Je me concentre sur la rédaction de ce billet. Les autres tâches attendront.

Selon ce mode de fonctionnement, voici dorénavant comment sera organisée ma journée.

1- Révision des objectifs de court terme, de moyen terme et de long terme;

2- Révision du plan d’action permettant de réaliser ces objectifs;

3- Priorisation des tâches de la journée en fonction des points #1 et #2. La priorisation sera effectuée selon la grille suivante : 40 % en fonction de l’échéancier – 60 % en fonction de la valeur ajoutée de la tâche sur la réalisation des objectifs;

4- Réservation de plages horaires afin de traiter les messages (courriels, flux, etc.)

5- Création de la liste de tâches;

6- Réalisation des tâches selon l’ordre établi.

Note : Il est important de demeurer concentré sur la tâche en cours de réalisation si une idée ou une préoccupation liée à une autre tâche émerge, je la note afin de ne pas l’oublier. Une fois ma tâche en cours terminée, je puis traiter cette information et l’insérer dans la séquence de tâches à effectuer le cas échéant. J’essaie de mettre en application ce que Christian Roy appelle le «mindsweep» :

« 8. L’inventaire des préoccupations (le mindsweep): il s’agit de mettre par écrit, dans un système auquel on a confiance, l’ensemble de nos préoccupations, projets, tâches, idées, etc. Si ce n’est pas fait, chacun de ces items, si petit soit-il, reste une «ficelle pas attachée» qui gruge de l’énergie et de l’attention. En pratique, c’est vrai que cette habitude est une bonne façon d’arriver à se concentrer sur une tâche à la fois… ce qui est assez difficile quand on doit conserver toutes ses préoccupations en «mémoire vive».»

De cette façon, je devrais être plus efficace, mais aussi….plus détendu!

En terminant, certains pourraient alléguer que ma réaction est tout simplement symptomatique de la génération à laquelle j’appartiens. Étant un X je suis peut-être génétiquement incapable de fonctionner en mode multitâche. Il paraît que la génération C, elle, l’est. À ce sujet, je laisserai Bertrand Duperrin répondre à cet argument :

«La nouvelle génération (mais un certain nombre d’anciens également) est capable de faire des aller et retours entre différentes tâches de manière très rapide, ce qu’on traduit à tort comme la capacité à être multitâche. Ces personnes sont capables de transférer attention et énergie d’un sujet à un autre de manière très rapide, sans qu’ils soit pour autant vrai qu’ils les adressent conjointement. Le multitasking est donc plutôt la capacité à switcher rapidement.»

Pour votre part, comment organisez-vous votre travail et la gestion de ces flux multiples?

Êtes-vous multitâches ou monotâche?

 

Source de l'image: DTC Master Crew

6 commentaires:

gill d'elia a dit...

personnellement je suis grandement multitâche, simplement par le fait que ma concentration est très difficile à maintenir et que je suis donc moins efficace si je me concentre trop sur une seule chose.
Le fait de pouvoir être multitask est un plus égalemetn par le fait que cela permet de s'evader en cas de bloquage sur une tâche, car cela permet de reprendre du recul et de trouver finalement une solution que l'on aurait pas trouvé si on était rester sur la tâche sans rien faire d'autres.

enfin personnellement je le vis comme ca.

Christian Roy a dit...

Merci pour la référence à mon billet. Pas facile d'être concentré, efficace et multitâches.

Je pense qu'on n'a pas tout à fait le choix d'être en mode multitâches souvent. Ça fait partie d'un côté de la médaille qui va avec les outils fantastiques dont nous disposons aujourd'hui. On peut tout de même modérer les impacts des interruptions fréquentes.

D'une part, j'essaie de garder le plus de traces écrites de ce que je fais, par des notes dans un cahier que j'ai toujours à portée de main, un mindmap ou des entrées dans un wiki personnel. Ça permet de replonger dans le travail interrompu rapidement.

L'autre approche que je tente ces jours-ci, c'est la technique Pomodoro. La première fois que j'en avais entendu parler, j'avais trouvé ça simpliste et inutile. Mais après avoir essayé... pas mal! 25 minutes de travail intense et concentré, 5 minutes de «n'importe quoi», puis retour au travail. Ça semble bien marcher dans mon cas.

Mathieu Laferrière a dit...

Je vais justement reprendre la notion de multi-tâches dans mon résumé du livre Critical Chain. Tu m'as devancé :)

Comme le mentionnait @EmilieJolie sur Twitter, certains types de poste exigent d'être multi-tâches. Je suis aussi d'accord avec Gill que certaines personnes ont également besoin d'être multi-tâches. De là à dire partout, tout le temps, tout le monde, je ne suis pas d'accord. Mais c’est mon intuition, pour faire le lien avec ton autre billet.

Ça dépend probablement du type d'information à recevoir et à traiter. Certains types de tâches nécessitent un haut niveau de concentration. Je pense notamment à l'analyse et à la synthèse. Pour ma part, comme en ce moment, j'ai fait comme toi et j'ai tout éteint. Je n'étais pas aussi productif. J’ai quand même laissé la musique et continué à taper du pied.

Lorsque je regarde les jeunes (disons niveau primaire et secondaire), je suis toujours étonné de les voir se tortiller sur leur chaise avec de la difficulté à se concentrer, alors qu’ils sont en mesure de jouer à des jeux ultra-précis avec une multitude de variables tout en parlant avec leurs coéquipiers.

Il y a probablement différents niveaux. Je rappelle avoir lu dans un livre de Malcolm Gladwell qu’en niveau de stress élevé (comme les policiers lors d’une poursuite), le champ de vision rapetisse, le temps ralentit et il n’y a plus de sons. Selon l’auteur, ça proviendrait du temps des mammouths. Un mode spécial pour la chasse. Peut-être sommes-nous en train d’en développer un nouveau ? Toujours est-il que ce sont des modes complémentaires. J’ai l’impression présentement que nos enfants n’en apprennent qu’un.

Pour conclure, j’utilise souvent le mode multi-tâches lorsque je n’ai pas à traiter un sujet en profondeur. J’alterne au mode mono-tâche au besoin. Le fait de valoriser ceci en société vient probablement du fait qu’on aime montrer que nous sommes occupés. C’est très loin de la définition d’être productif.

Merci pour cet article qui porte à réfléchir.

Unknown a dit...

@gill d'elia:

Bonjour et bienvenue!

Merci pour cet angle différent. Pour ma part je fonctionne à l'inverse. Si je bloque sur une tâche et que j'ai le malheur de «m'évader» sur autre chose je risque de ne revenir sur ma tâche initiale que....trop tard. ;)

A+

@Christian Roy:

Bonjour Christian et merci de venir donner ton point du vue en complément de ton propre billet,c'est très apprécié.

Je vais fouiller la méthode Pomodoro pour en savoir plus mais comme je le mentionnais précédemment si j'interromps une tâche en cours, dans mon cas, il y a un risque. Je pourrais adapter la méthode en plaçant le « le 5 min de n'importe quoi » entre les différentes tâches.

À méditer.

Merci!

@Mathieu Laferrière:

Salut Mathieu,

Dois-je comprendre que tu n'es pas d'accord pour dire qu'en fait le multi-tâches n'existe pas mais que c'est plutôt notre capacité de «switcher» rapidement de l'une à l'autre?

Je sais que c'est peut-être philosophique comme interrogation mais...tout de même intéressant. ;)

J'ai bien aimé ton exemple illustrant le fait que nous sommes probablement en train de développer de nouvelles capacités ou mode de fonctionnement.

La nuance que tu avances quant au type de tâche effectuées me semble aussi très intéressante.

Il y a là de la matière à faire un second billet mais je te passe la balle pour ton billet sur le livre critical chain.

Merci beaucoup d'être passé!

Anonyme a dit...

Une étude intéressante de l'équipe de Clifford Nass. http://theoriedestendances.com/2010/01/28/etes-vous-multitache-si-oui-attention/

Unknown a dit...

@Claude Forrest:

Bonjour et bienvenue sur ce blogue!

Merci pour le lien! Cette semaine, Pierre Fraser m'a justement mis sur la piste. J'ai trouvé le tout fort intéressant.

Salutations,