jeudi 28 janvier 2010

Cohérence organisationnelle: l'étude de cas de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

cpdq

La différence entre les voeux pieux, les bonnes intentions et une réelle performance organisationnelle réside dans la capacité des entreprises à élaborer la meilleure stratégie possible, mais, et surtout, à en assurer une exécution parfaite. Faire en sorte que toute l'organisation soit mobilisée à exécuter le plan de match à la perfection. Cette parfaite exécution ne peut se réaliser sans une cohérence organisationnelle sans faille.

La très grande majorité des gestionnaires connaissent la théorie liée à l'exercice traditionnel de la planification stratégique. À ce titre, la plupart des organisations ont réalisé un exercice leur permettant d'énoncer leur mission, leur vision et d'associer à ces éléments certaines valeurs organisationnelles fortes qui guideront les actions de l'entreprise auprès des différentes parties prenantes. Certaines de ces entreprises poussent même l'exercice jusqu'à associer des comportements précis à ces valeurs afin d'en opérationnaliser l'expression. Ainsi, les employés, les dirigeants et les gestionnaires sont en mesure d'interagir et de travailler selon ce code de valeur.

Finalement, la plupart de ces organisations communiquent ces valeurs aux parties prenantes afin d'exprimer leur adhésion à ce code de conduite. Ce faisant, il y a un engagement de la part de l'entreprise à agir selon les paramètres de ce code.

Tout cela est très bien, c'est même excellent, mais, vous en conviendrez, c'est la partie facile.

C'est même très facile.

La réelle difficulté réside, non pas, à afficher ces valeurs, mais bien à créer une culture d'entreprise tellement ancrée sur ces valeurs qu'il en résulte une cohérence organisationnelle permettant l'expression à tout moment de celles-ci. En ayant pris l'engagement de suivre ce code de conduite, tout écart entre la réalité et cet engagement sera souligné par les parties prenantes. Plus les écarts seront fréquents et importants, plus le cynisme s'installera et plus la crédibilité de l'entreprise sera entachée. C'est vrai au regard des employés, des clients, des fournisseurs, des gouvernements et autres. C'est donc une énorme responsabilité que d'afficher ouvertement nos valeurs organisationnelles. C'est aussi un défi de tout les instants que de demeurer en cohérence avec elles.

Tout ce préambule pour vous parler de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Loin de moi l'idée de tomber à bras raccourci sur la Caisse, mais l'actualité me donne l'occasion d'illustrer mon propos avec un exemple qui n'est pas si évident à interpréter. D'ailleurs, ce sont probablement vos commentaires qui fourniront le bon éclairage.

En fait, cette réflexion m'est venue à l'esprit lorsque j'ai pris connaissance de la polémique autour du fameux party de Noël. À lire les différentes sources d'informations, les réactions sont mitigées. Certains trouvant scandaleux de dépenser autant pour une fête dans le contexte que l'on connait, d'autres calculant que 100 $ par employé pour une fête de Noël ce n'est pas exagéré.

Pour ma part, ce qui m'intéresse, en tant que gestionnaire c'est :

1- Prendre connaissance de la réaction de l'organisation dans ce dossier;

2- Me demander si cette fête et la réponse aux critiques sont en cohérence avec les valeurs de l'organisation.

La position de la CDPQ est la suivante :

« Pour la direction de la Caisse, un tel montant n'est nullement abusif compte tenu des efforts demandés aux employés au cours de la dernière année.

"De grands changements ont été apportés en 2009 et nous avons demandé la mobilisation des employés. Pour nous, c'était un geste de reconnaissance", a dit le porte-parole de la société d'Etat, Maxime Chagnon »

Source: Presse Canadienne

Lorsque l'on consulte les valeurs qui doivent guider la Caisse, et ce, pour l'ensemble de leurs décisions/activités, on retrouve :

« Nos valeurs

Au cœur des activités

Les valeurs de la Caisse jouent un rôle important dans l’élaboration des stratégies d’investissement, le travail des équipes et le service à la clientèle. En fait, elles orientent toutes les pratiques d’affaires et sont au cœur des activités de la Caisse.


L’excellence, dans toutes les facettes du métier
C’est l’engagement des dirigeants et des employés à se dépasser et à viser un degré exceptionnel de réussite dans leurs domaines de compétence. À la Caisse, l’excellence passe par la formation continue, la valorisation du travail accompli et du dépassement, ainsi que l’adoption des meilleures pratiques.

L’éthique, une norme élevée
La nature des activités de la Caisse nécessite l’adhésion à des normes et à des critères élevés dans les pratiques d’affaires. C’est aussi, pour tout le personnel, un engagement à suivre les règles de conduite appropriées dans les relations avec les collègues, fournisseurs et partenaires, comme le prévoit le Code d’éthique et de déontologie de la Caisse.

L’audace, dans l’innovation et le dynamisme
En démontrant dynamisme et capacité d'innover, les équipes de la Caisse s’assurent de profiter au maximum de chaque occasion d’affaires et d’investissement. L’audace, c’est aussi leur capacité à assumer des risques calculés et à tirer des leçons des erreurs.

La transparence, par une communication claire
La transparence de la Caisse dans son rôle de gestionnaire de fonds, c’est la volonté de rendre compte fidèlement et régulièrement des pratiques suivies, des objectifs visés et des résultats obtenus.

Cela se traduit par la valorisation d’une communication claire avec toutes les parties prenantes :

  • le gouvernement du Québec, dont elle est le mandataire.
  • les déposants, en majorité des caisses de retraite et des régimes d’assurance publics et privés québécois qui lui confient la gestion de leurs fonds.
  • les participants aux régimes collectifs de retraite ou d’assurance de ses déposants.
  • les entreprises inscrites en Bourse et les sociétés privées dans lesquelles elle investit.
  • les clients, autres que ses déposants, pour lesquels elle administre ou gère des biens, surtout dans le secteur immobilier.
  • les employés de la Caisse et de ses filiales immobilières.
  • les partenaires avec lesquels elle conclut des ententes d’investissement.
  • les fournisseurs de biens et de services avec lesquels elle traite. »

Reproduction intégrale du site de la Caisse de dépôt et placement du Québec consulté le 27 janvier 2010:

Maintenant, la question à se poser :

Est-ce que le fait de faire ce type de fête, de cette façon dans le contexte de la polémique entourant les activités de la Caisse en 2009 est en cohérence avec les valeurs de cette organisation?

Et la réaction de la Caisse suite aux critiques?

Le défi de la cohérence organisationnelle n'est pas un défi de planification, c'est un défi quotidien dans l'exécution de milliers de petits détails qui façonnent notre quotidien. Réussir une telle cohésion nécessite une rigueur et une discipline de fer, mais, qui a dit que la route vers l'excellence était facilement carrossable?

Qu'en pensez-vous?

Comment évaluez-vous la cohérence de la Caisse par rapport à ses valeurs dans ce dossier?

 

Source de l'image: moyogo

 

4 commentaires:

Jackss a dit...

Quelle belle question!

Elle est géniale, le gestionnaire. Poser la question sans y répondre, ça vallait le coup.

Je me risque. Je crois que le Party de Noël aurait pu être valable s'il s'était situé dans un contexte de performance, de bonnes relations à consolider. Ceci aurait pu être valable pour une partie seulement des parties prenantes dont il fallait tenir compte: les employés de la Caisse.

Pour les autres, surtout en ce qui concerne la réputation à rétablir au niveau de l'éthique, ce n'est pas la trouvaille du siècle. Ce n'est pas la meilleure façon de redorer la culture d'entreprise.

Unknown a dit...

@Jackss:

Bonjour, content que tu apprécies la question. :)

Merci pour ton point de vue sur la question.

En tant que ex-gestionnaire, crois-tu que l'annulation de cette fête aurait démobilisée les employés de la Caisse?

Yvon MOUGIN a dit...

Belle question !
On pourrait discuter longuement du choix des valeurs, de leur partage avec le personnel et de l'exemplarité des dirigeants et de l'encadrement. Mais la question n'est pas tout à fait là. Si l'on accepte les valeurs affichées comme des modèles, on peut s'étonner, en regard de celle de l'éthique par exemple que l'on utilise l'argent des actionnaires (je crois que les fonds n'appartiennent pas aux dirigeants) pour payer une fêtes. Bien entendu, la somme par tête de pipe n'est pas excessive mais c'est plutôt du symbole dont il s'agit. En effet, où commencerait le scandale ? A 200 dollars ? A 500 ? A 1000 ? On aurait pu aussi donner une prime de cet équivalent (100 dollars) ce qui n'aurait choqué personne. Lorsque l'on parle de valeurs, il faut faire attention aux signes. J'ai été un jour un peu indigné qu'un client venant d'obtenir un certificat ISO 9001 ait fêté cet évènement en offrant une sortie à l'ensemble de son personnel (c'était un organisme public). Si cette boutique avait été privée, cela ne m'aurait pas fait le même effet.

Unknown a dit...

@Yvon Mougin:

Bonjour M. Mougin,

Très heureux d'avoir de vos nouvelles.

J'ai adoré votre commentaire sous plusieurs aspects.

Tout d'abord, il est toujours intéressant d'avoir un point de vue d'outre-mer. Quelques fois nous somme tellement près de l'arbre que nous en oublions la forêt.

Puis, vous utilisez des termes dont je n'avais pas fait mention et qui sont, effectivement, incontournables tels que:

Symbole et modèle.

Merci pour ces ajouts.

Salutations,