C’est pourtant ce que semble croire la grenouille de la populaire fable de La Fontaine. La grenouille qui tente désespérément de se faire aussi grosse que le bœuf. La situation du bœuf est-elle si enviable? Du point de vue de la grenouille ça semble être le cas!
Cette fable est extrêmement intéressante lorsque appliquée aux entreprises. Le domaine des affaires est inondé d’exemples d’entreprises et/ou de dirigeants qui sont autant des grenouilles tentant désespérément de devenir aussi grosse qu’un bœuf et ce, au péril de leur vie.
Plus les entreprises sont grosses plus elles sont admirées, médiatisées. Les dirigeants de ces grosses entreprises voient leur réputation et leur ego suivre la même courbe. De même, tous les incitatifs et les mécanismes sont en place afin de favoriser la prise de poids à outrance. Que se soit la réaction des marchés, des actionnaires, des investisseurs potentiels, des consommateurs et surtout les programmes de rémunération des cadres supérieurs qui incitent fortement à favoriser l’augmentation de l’actif et des volumes d’affaires.
Prenons le domaine bancaire par exemple, il est clair que la hiérarchie entre les différents directeurs de succursales est fait en fonction de la grosseur et de l’envergure de LEUR succursale.
Il y a bien sûr des exceptions. Ce modèle ne représente pas l’ensemble des industries et des entreprises mais il s’agit tout de même du modèle prédominant. Pour s’en convaincre on a qu’à regarder de plus près l’actualité et les derniers scandales…..
La question plus fondamentale est de se demander si le fait de rechercher la croissance des actifs est effectivement une stratégie intéressante du point de vue de la création de valeur (ROE) et de la pérennité de l’organisation à long terme.
La majorité des dirigeants voulant faire croître leur organisation de plus en plus rapidement on en vient à accepter le fait que c’est là la stratégie à adopter mais est-ce réellement le cas?
Plus gros = succès? Profit? Création de valeur? Maximisation de la valeur de la firme? (Pour utiliser le jargon financier).
Ce que semble sous-estimer ou pire, ignorer, certains dirigeants concerne l’impact majeur des coûts de complexité. Une excellente explication des coûts de complexité se retrouve sous ce lien. On y mentionne, entres autres:
«Les coûts de complexité correspondent à l’ensemble des coûts cumulés, et souvent difficile à mesurer avec précision, dus à la trop grande diversité des activités de l’entreprise. Scherer (1980) a indiqué comment les économies d’échelle reposent sur une courbe en U où l’on voit apparaître des déséconomies d’échelle, appelés coûts de complexité. C’est généralement l’accroissement de la taille de l’entreprise, combiné à la forte diversité de l’envergure des produits, des segments, et des géographies ainsi que des compétences, qui contribue directement à accroître les coûts de complexité. »
Le bœuf est un organisme qui contient beaucoup plus de cellules que celui de la grenouille. Pour créer de la valeur et maximiser la valeur de la firme il importe donc, à mesure que l’entreprise croît, d’être en mesure de gérer adéquatement la multiplication des coûts de complexité.
En outre, il est faux de croire que la technologie permet de régler ce problème en entier.
La grosseur affecte, entres autres, le réseau de distribution, la structure organisationnelle, la gestion des ressources humaines, la structure financière, la technologie, le nombre de paliers hiérarchiques, la souplesse de l’organisation, etc.
De plus, une entreprise imposante risque de vivre certains dédoublements au sein de différents départements, une bureaucratisation, une technocratisation et l’augmentation des enjeux politiques au sein de l’entreprise.
Donc, avant de vouloir grossir pour grossir. Par vanité, par orgueil ou parce que le dirigeant possède une âme de conquérant une simple matrice avantages / inconvénients / risques fera le travail.
Les coûts de complexité se retrouveront dans la colonne inconvénients et dans la colonne risques. Pour chacun des inconvénients et des risques demandez-vous s’il est possible de les éviter ou de les atténuer et si oui comment.
Une fois cet exercice fait, vous aurez une vue objective de la situation et serez à même de prendre la meilleure décision pour l’organisation en fonction des objectifs que vous poursuivez tout en ayant pris correctement en compte les coûts de complexité associés au projet.
Il est souvent nécessaire de croître mais il importe de le faire pour les bonnes raisons.
Les grenouilles font des choses que les bœufs ne font pas…nager par exemple et dans certaines situations c’est drôlement pratique de savoir nager….
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