vendredi 3 avril 2009

Le FASB cède au lobby des banques américaines.

FASB

Les pratiques comptables sont, pour certains, un sujet aussi palpitant que l’étude des holoprotéines. Par contre, elles constituent un rouage extrêmement important de notre système économique. Des pratiques comptables rigoureuses et partagées permettent d’obtenir la meilleure représentation possible de la santé financière des entreprises procurant aux investisseurs les données nécessaires afin d’évaluer adéquatement le risque et le potentiel de rendement des différentes options d’investissement.

Au cours des dernières années, certaines normes comptables floues et facilement contournables pavèrent la voie à des abus. Ces abus prirent la forme de pratiques comptables «imaginatives» qui avaient pour objectif de gonfler artificiellement les profits des entreprises à court terme afin de présenter une image trompeuse de la santé financière réelle des organisations. Ces profits gonflés à l’hélium permirent, au passage, le versement de primes au rendement faramineuses ainsi que le paiement de stocks-options.

C’est ce type de rémunération, (stocks-options) qui créa de sérieux incitatifs à gérer les organisations avec une logique courtermiste. Afin d’y arriver, certains n’hésitèrent par à utiliser des moyens illégaux ce qui est évidemment condamnable mais ce fut, heureusement la grande minorité. Par contre, de nombreux dirigeants utilisèrent des pratiques comptables douteuses, à la limite des règles légales et éthiques afin de gonfler artificiellement les profits, jetant de ce fait, un écran de fumée sur la situation financière réelle des entreprises.

Signe que ce problème est important et répandu,  Stiglitz, dans son volume intitulé, «Quand le capitalisme perd la tête», traite abondamment de la question et particulièrement au chapitre 5 qui a pour titre: «Comptabilité: l’imagination au pouvoir».

Plusieurs des plus importants scandales des dernières années sont le fait de pratiques comptables douteuses, pensons à Enron, WorldCom et cie.

Après ces événements, un large consensus semblait se dégager à l’effet qu’il importait, plus que jamais, de réformer la comptabilité pour s’assurer que les normes comptables permettent aux investisseurs de juger adéquatement de la santé financière des entreprises et particulièrement des institutions financières. Au cours des dernières années, ces entreprises demandèrent aux gouvernements de ne pas règlementer leur industrie. Faites-nous confiance demandèrent-elles….avec les conséquences que l’on connaît.

Entendons-nous, je ne suis pas un grand apôtre de l’interventionnisme de l’État. C’est pourquoi je considère que l’application de normes comptables rigoureuses et efficaces permet au marché de fonctionner correctement. L’asymétrie de l’information et l’information erronée tuent les mécanismes du marché et le rendent dysfonctionnel. La comptabilité imaginative favorise ces disfonctionnement, c’est pourquoi il importe d’appliquer les meilleures pratiques comptables possibles.

Je croyais que les événements récents avaient démontré, hors de tout doute, la pertinence de cette position.

Je croyais que nous avions appris…..au moins…..pour les prochains mois.

Mais la nature humaine a cette fascinante capacité de répéter constamment les mêmes erreurs.

La preuve.

Et on ose affirmer que grâce à cette mesure le risque de voir des banques américaines s’effondrer est écarté.

C’est n’importe quoi.

Tout d’abord, attardons-nous au début de la nouvelle:

«Sous une pression politique intense, l'association professionnelle en charge de la standardisation des normes comptables aux Etat-Unis, le Financial Accounting Standards Board (FASB), a approuvé une modification de la règle dite de «mark-to-market», qui oblige les institutions financières à évaluer leurs actifs à leur valeur de marché.»

Les termes «pression politique intense» et FASB NE VONT PAS ENSEMBLE.

Les normes comptables ne doivent pas être influencées par la politique, elles doivent être élaborées en fonction de l’atteinte de l’objectif premier de la comptabilité soit de préparer une image la plus juste possible de la réelle situation financière des entreprises.

Point.

Cet assouplissement ne fera que jeter un écran de fumée sur la situation financière réelle des banques. Les actifs toxiques, agglutinés dans le bilan de ces banques ne sera pas plus sain parce que les banques pourront «jouer» avec la norme comptable. Vous n’êtes pas plus riche parce que vous pensez que votre maison vaut 500 000$ alors qu’elle en vaut réellement 300 000$ sur le marché!

Tout ça n’est qu’un leurre.

De plus, comment voulez-vous comparer financièrement les différentes banques entres-elles si leurs méthodes d’évaluation de ces actifs toxiques diffèrent? Aussi bien comparer des pommes avec des kiwis!

C’est décevant. Décevant de voir qu’un puissant lobby vienne à bout du gros bon sens. Décevant de voir que finalement, nous n’apprenons que rarement de nos erreurs. Décevant de voir que certains analystes se réjouissent de cette mesure.

Sérieusement, arrêtons de mettre de l’énergie à embellir la réalité. La rouille finira, de toute façon, par retraverser cette mince couche de nouvelle peinture.

Est-il possible de regarder la situation bien en face et de prendre actions sur les problèmes réels même si ça paraîtra moins beau sur les résultats du prochain trimestre?

Selon moi, les banques qui s’en sortiront seront celles qui joueront la carte de la transparence, du courage managérial, de l’honnêteté et qui s’attaqueront aux problèmes réels tout en donnant l’heure juste aux différentes parties prenantes.

Celles qui se joueront de l’intelligence des investisseurs, des clients et du public devront en assumer les conséquences. Je crois que la récréation des pratiques douteuses a assez duré.

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