mercredi 26 novembre 2008

Results-Only Work Environment (ROWE) ou comment perdre sa cohérence organisationnelle en ayant l’air cool.

ROWE Le domaine de la gestion des ressources humaines n’en est pas à une mode près. La dernière en titre est le ROWE (Results-Only Work Environment). J’ai pris connaissance de ce régime de l’emploi où vous êtes évalués seulement d’après les résultats, via le Journal Les Affaires du 22 au 28 novembre aux pages 14 et 15.

L’idée derrière ce concept est que le rendement du travail n’est plus évalué qu’en fonction des résultats. Ce mode de gestion permettrait de générer des gains de productivité et rendrait les employés plus efficaces.

Se sont Jody Thompson et Cali Ressler, deux anciennes gestionnaires des ressources humaines chez Best Buy qui ont développé ce concept présenté dans leur livre: «Why Work Sucks and How to Fix It».

Voici les principaux principes du ROWE:

    1. «La participation aux réunions est facultative, les employés évaluant eux-mêmes si leur présence est nécessaire.
    2. L’emploi du temps d’un employé ne regarde que celui-ci.
    3. L’équilibre travail-famille est l’affaire de l’employé, pas celle de l’employeur.
    4. Le travail d’un employé est évalué en fonction de ses résultats seulement.
    5. Le service des ressources humaines devient accessoire: le gestionnaire s’adresse directement à l’employé et lui indique clairement ses tâches
    6. Le gestionnaire doit avoir pleinement confiance en ses subalternes.»

Aux premiers abord, un tel mode de gestion est séduisant. Responsabilisation, confiance, liberté, conciliation travail-famille. Et puis, après tout, n’est-ce pas les résultats qui compte?

C’est même difficile de s’y opposer, car ce faisant, on se sent presque coupable de ne pas faire confiance aux employés et d’être un gestionnaire contrôlant.

Mais quand on y pense plus à fond, ce mode de gestion a de grandes limites et il n’est applicable que dans un infime pourcentage d’organisation ou dans quelques services d’une organisation donnée.

Pourquoi?

Tout simplement parce que contrairement à ce qu’affirme Daniel Percival de chez IBM quand il dit que:

«Si la personne obtient les résultats attendus, il n’est guère pertinent de savoir comment elle l’a fait.»

La façon dont on fait les choses, donc les processus, est aussi importante que les résultats que ces processus génèrent. Si vous désirez améliorer vos résultats sur un horizon de moyen/long terme, le «comment» importe autant que le résultat final et ce, dans une majorité d’industries/entreprises.

Je m’explique.

La majorité des entreprises ont une stratégie qui implique un positionnement et le développement d’avantages concurrentiels durables. C’est donc dire que la façon dont vous faites les choses importe si vous désirez bâtir une image et une notoriété en lien avec cet/ces avantages.

Le lien entre stratégie et exécution est à la base même de toute démarche qualité et d’amélioration continue. Comment, alors, faire fi de la façon dont s’exécute la stratégie.

Prenons un exemple concret afin d’illustrer mon propos.

Imaginons une institution financière fictive qui a un positionnement haut de gamme et qui élabore une stratégie de développement des affaires basée sur l’accompagnement des clients tout au long de leur vie financière. Une approche tenant compte des besoins financiers et la réalisation des projets de vie.

Imaginons maintenant un conseiller financier travaillant à cette institution qui effectue son boulot selon les principes du ROWE. Étant maître du «comment» et voulant atteindre ses résultats de vente, il décide de générer des ventes selon une approche axée sur des produits vedettes et en jouant sur la tarification. Fort probablement qu’il pourrait, selon une telle stratégie, atteindre ses résultats.

Par contre, est-ce que cette façon de faire est cohérente avec la stratégie et le positionnement organisationnelle? Bien sûr que non. Est-ce souhaitable? Sûrement pas.

Mes détracteurs pourraient facilement m’indiquer qu’il s’agit simplement d’inclure la stratégie souhaitée à l’intérieur des objectifs fixés afin de contourner ce problème. Le hic, c’est que mon exemple est une simplification extrême d’une réalité complexe pour fin purement pédagogique. Si nous voulions réellement encadrer la prestation de travail afin de conserver la cohérence organisationnelle, l’encadrement serait tel que finalement, se sont les principes même du ROWE qui seraient bafoués.

En outre, à notre époque où les questions environnementales, éthiques, déontologiques, règlementaires et de gouvernance sont si importante comment ne pas se soucier de la façon dont les employés obtiennent leurs résultats? Poser la question c’est y répondre tant les exemples sont légions par les temps qui courent.

Pour les organisations pour qui la qualité est importante, pour qui le lien entre stratégie et exécution est à la base même de leur culture, elles ne trouverons pas, selon moi, dans le ROWE un modèle de gestion des ressources humaines intéressant.

Vous imaginez une entreprise certifiée ISO ne plus se soucier de la façon dont elle obtient ses résultats?

Et vous, qu’en pensez-vous?

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